La théorie de la physique quantique est apparue au début du XXème siècle et tente d’expliquer le comportement des atomes, on se place ici à l’échelle de l’infiniment petit à l’inverse de la physique dite « classique ».

Cette théorie qui peut sembler abstraite et peu connue est en réalité déjà utilisée dans des objets que l’on connaît. L’IRM (Imagerie à Résonnance Magnétique), machine utilisée dans le milieu médical afin de réaliser des images de l’intérieur du corps, est un objet utilisant un phénomène de la mécanique quantique  : la supraconductivité. L’idée étant de refroidir un matériau à une température proche du zéro absolu (-273,15°C) afin d’éliminer la résistance électrique de celui-ci, ce qui fait apparaître de nouvelles propriétés physiques.

Cet exemple démontre que nous sommes déjà confrontés à des technologies fondées sur la mécanique quantique. De nouvelles révolutions sont à venir, notamment dans le domaine informatique avec l’utilisation des propriétés de mécanique quantique pour créer de supers ordinateurs quantiques.

Comment ça marche ?

Un ordinateur quantique est un ordinateur qui va s’appuyer sur des phénomènes tels que la superposition et l’intrication quantique pour réaliser des calculs à des vitesses très élevées.

Ordinateur classique

L’information traitée par un ordinateur classique se trouve sous forme binaire, c’est-à-dire une suite de 0 ou de 1. Tout ce qui défile sur nos écrans, (musiques, vidéos, textes ou jeux) sont des informations stockées et manipulées sous cette forme. Cette unité ne pouvant prendre que deux valeurs plus communément appelée « un bit ».

Ces bits vont être manipulés par nos ordinateurs en utilisant des portes logiques. Celles-ci vont réaliser des opérations définies comme, par exemple, la porte logique « NOT » qui va inverser la valeur d’un bit (il en existe d’autres comme AND, OR, XOR, …) :

Toutes les manipulations que nous réalisons sur un PC sont réalisées en combinant des portes logiques, c’est cet ensemble qui forme un ordinateur.

Ordinateur Quantique

Un ordinateur quantique va, lui, manipuler non plus des bits mais des bits quantiques qui sont appelés « qubit » et obéissent aux lois de la mécanique quantique.

  • Principe de superposition

Ce principe énonce qu’un objet quantique peut se trouver dans une superposition de plusieurs états à la fois. Dans notre cas cela veut dire que le qubit se trouve à la fois dans l’état 1 et dans l’état 0.

Autre point, l’état de notre qubit est indéterminé avant toute mesure et c’est seulement au moment de cette mesure que l’on va fixer la valeur du qubit à 1 ou à 0. Cette mesure va détruire ce phénomène de superposition quantique en « forçant » la particule à se placer dans un état plutôt qu’un autre, ce phénomène s’appelle la décohérence quantique (faisant perdre son statut d’objet quantique).

  • L’intrication quantique

Deux (ou plusieurs) particules qui ont déjà interagi entre elles vont avoir un état quantique dépendant l’un de l’autre. Ainsi, une mesure effectuée sur l’une de ces particules aura un effet immédiat sur l’état de l’autre et ce quelle que soit la distance qui les sépare.

Dans un ordinateur classique l’information est stockée sous forme de registre de bits qui peuvent prendre différentes valeurs. Si on prend en exemple un registre de 4 bits (permettant d’afficher les chiffres entre 0 et 15) on aura 16 états possible du registre :

0000, 0001, 0010, 0100, …, 1111

Si on prend ce même registre mais avec 4 qubits alors il pourra être dans un état superposé de ces 16 états :

|0000> + |0001> + |0010> + |0100> + … + |1111>

Autrement dit, être dans 16 états à la fois permettrait (grâce à l’intrication quantique) de réaliser 16 calculs en parallèle. Pour généraliser cet exemple, prendre un registre de n qubits permettrait de calculer 2n fois plus rapidement qu’un ordinateur classique équivalent.

Applications et impacts

La création d’un ordinateur quantique n’est pas simple et, à ce jour, il reste des problématiques à résoudre :

  • La décohérence quantique : perte de l’état quantique d’une particule suite à sa mesure
  • Les algorithmes quantiques : créer des algorithmes capables de gérer la « parallélisation » quantique
  • Les erreurs de calculs liés aux probabilités : la superposition implique qu’une particule peut être dans plusieurs états à la fois. Lors d’une mesure, celle-ci aura une probabilité p de se trouver dans un état ou dans un autre (probabilité non égale à 1) entraînant des erreurs sur certaines mesures
  • Le concept de non clonage : lorsque l’on réalise une copie d’un fichier de notre ordinateur vers une clé USB, l’ordinateur classique va lire les bits et les répliquer sur notre clé. Cette étape nécessite une mesure qui va détruire le qubit dans le cas d’un ordinateur quantique et la copie échouera

L’engouement autour de cette technologie est réel comme le démontre les investissements colossaux de pays comme les Etats-Unis ou la Chine ainsi que des entreprises comme IBM, Google ou Microsoft. D’ailleurs, IBM a annoncé avoir créé un ordinateur quantique et celui-ci est déjà utilisable par certains chercheurs en accès via leur Cloud. Le futur n’est pas si loin !

Concrètement, quelles seraient les utilités et les applications de cette technologie ? Les sujets étants très nombreux, nous vous donnons quelques exemples qui pourraient avoir un impact de près ou de loin dans le domaine assurantiel.

L’analyse de données

S’il est un domaine qui sera fortement impacté, c’est bien celui-ci. Le volume de données est en perpétuelle augmentation et il faut mettre en place de nouveaux algorithmes qui permettront une rapidité de traitement encore jamais atteinte :

  • L’algorithme HHL[1- toutes les notes sont en fin d’article] (Harrow, Hassidim, Lloyd) ou la programmation linéaire semi définie [2] permettront de réaliser des tâches comme des analyses statistiques en grandes dimensions, des régressions, des analyses factorielles ou encore de la modélisation avec des réseaux de neurones
  • Le Quantum Machine Learning [3] ou le Monte Carlo Quantique  [4] permettront de modéliser les risques, de gérer les portefeuilles ou de réaliser des modèles de prédictions
  • Le deep learning n’est pas oublié puisque les algorithmes de Simulation Quantique [5] ou de Recuit Quantique  [6] se penchent sur ce point.

Sécurité des communications

« Assurer la confidentialité, l’intégrité, la disponibilité et la traçabilité des données financières et assurantielles 

Aujourd’hui la sécurité de nos systèmes informatiques repose sur des méthodes de chiffrement qui pourraient être vulnérables à l’ère des ordinateurs quantique. En effet, ceux-ci reposent sur la complexité computationnelle de certains problèmes mathématiques qui ne seraient plus si long à exécuter avec la technologie quantique.

Des travaux sont en cours pour mettre en place de nouveaux systèmes de sécurisation qui soient résistant aux « attaques quantiques ». Des changements majeurs seront à prévoir dans les systèmes d’informations dans les années à venir [8].

Langage de programmation

Les langages de programmation utilisés actuellement (Python, Java, C++, etc…) ne permettent pas d’utiliser les nouveaux algorithmes quantiques. Des nouveaux outils sont développés notamment par Google, IBM et Microsoft afin de répondre à cette future problématique.

Transformation du métier

La technologie quantique est radicalement différente de ce que l’on connaît aujourd’hui et va entraîner des modifications dans tous les secteurs de l’entreprise et notamment les architectures matérielles et logicielles des systèmes d’informations [9].

Une telle transformation ne sera possible que si tous les acteurs sont impliqués et mobilisés pour fournir les efforts nécessaires, la conduite du changement est donc une étape clé qu’il faudra enclencher dès que possible.

C’est un réel défi qui attend les entreprises qui devront répondre à plusieurs enjeux :

  • Acquérir les compétences nécessaires pour utiliser des algorithmes et des logiciels quantiques en passant par un recrutement ciblé de nouveaux collaborateurs et/ou par la mise en place de formations en interne. Certains métiers se verront modifiés comme les informaticiens, les architectes informatiques, les ingénieurs en cryptographies ou encore les data scientists [10].
  • Des enjeux réglementaires, éthiques et juridiques pour les entreprises utilisant par exemple le machine learning à l’aide de l’informatique quantique. En effet, la suprématie offerte par la technologie devra être régulée, contrôlée et offrir une transparence sur la finalité à l’instar de l’IA de nos jours.
  • La protection des données (RGPD) sera un enjeu majeur car les protections actuelles seront beaucoup plus vulnérables à l’ère du quantique. Les méthodes de cryptographies actuelles reposent sur une complexité computationnelle qui serait remise en cause avec la puissance de calcul potentielle d’un ordinateur quantique. Des méthodes de cryptographies quantiques devront être mise en place.

Nous vous invitons à découvrir la synthèse des enjeux et des propositions du livre blanc « Intelligence artificielle, blockchain et technologies quantiques au service de la finance de demain » récemment publié par Finance Innovation en 3 parties :

***

[1, 2, 3, 4] Page 205 du livre blanc

[5] Page 206 du livre blanc

[6] Page 206 du livre blanc

[7] Page 208 du livre blanc

[8] Page 208 du livre blanc

[9] Page 226

[10] Page 227