Et si les parcours digitaux étaient conçus afin d’assurer la meilleure expérience utilisateur possible à l’assuré ? L’idée peut faire sourire tant l’assurance digitale a connu durant la décennie 2010-2020 une forte complexification des parcours clients, avec la multiplication des canaux de communication (site internet vitrine, version mobile du site, site de courtiers, espaces de placements affinitaires, mailing) et des outils facilitant l’accès aux produits (publicités ciblées, comparateurs, chatbots). Comment alors garantir à l’utilisateur un parcours fluide dans cet écosystème foisonnant ? C’est tout l’enjeu du customer journey mapping.
Customer journey mapping : définition et enjeux pour l’assureur
Le customer journey mapping (CJM) est une démarche analytique reposant sur l’examen exhaustif de données structurées et non structurées, provenant d’une multitude de canaux. Il effectue un croisement entre de nombreuses sources de données quantitatives (web analytics, comparaison des fréquentations et des ventes en ligne / hors ligne, customer journey analytics, données de sources tierces…) et qualitatives (web analytics sémantiques et comportementaux, étude auprès de la clientèle, analyse des interactions sur les réseaux sociaux, focus group, test d’usage, conseil consultatif des clients …).
La première étape du mapping consiste à comprendre et à cartographier l’itinéraire des prospects et des utilisateurs sur les différents canaux, depuis l’avant-vente jusqu’à la gestion des incidents en passant par l’inscription et la mise en œuvre contractuelle. La capture de chaque interaction (finalisée ou non) permet à l’assureur de mieux comprendre les motivations et les frustrations des clients à chaque étape. Ces travaux de mapping impliquent le traitement exhaustif de l’information disponible, pour lesquels sont nécessaires la constitution d’une équipe projet intégrant différentes fonctions (a minima infrastructure IT, marketing et SAV), souvent assistée par la maîtrise d’œuvre de cabinets de conseil.
Le CJM permet à l’assureur d’adopter une nouvelle perspective sur son organisation : la focale de maîtrise des process (logique in – out) est complétée par la construction d’un insight out – in partant du client. Son premier bénéfice est donc de fournir à l’assureur une image réaliste des processus créateurs de valeur du point de vue du client, étant entendu que ceux-ci évoluent indépendamment de l’offre et se révèlent souvent surprenants du fait de la complexité des parcours clients qu’autorise la multitude des canaux. Il devient dès lors possible d’effectuer un travail de profilage de l’utilisateur, fondé sur des caractéristiques objectives et qui viendront compléter la segmentation marketing classique. Les maps permettent enfin de rationaliser les processus et d’éliminer les points irritants constatés dans les parcours clients, aboutissant finalement à une fluidification de l’expérience globale.
En contrepartie de ces efforts, les bénéfices induits par le CJM sont nombreux, ainsi que le souligne la récente étude Walking in their footsteps – The business case for customer journey mapping cosignée par Econsultancy et Salesforces : 87% des 1 266 professionnels de la fonction marketing interrogés pour la réalisation de celle-ci ont déclaré que le CJM leur avait permis d’identifier des besoins clients non servis, 88% estimaient que les travaux de CJM ont sensiblement optimisé l’expérience client, et 85% d’entre eux voyaient dans la capacité à produire le CJM un avantage compétitif.
Un renouvellement de l’expérience digitale qui tombe à pic
Le contexte d’épidémie de Covid-19, qui a, en mars 2020, accru en moyenne de 20% le trafic et de 25% le temps passé sur les sites des banquiers et des assureurs selon ContentSquare, souligne la nécessité d’analyser le surcroît de données recueillies afin d’optimiser le parcours clients. Pour les assureurs européens, confrontés à la digitalisation de la distribution de leurs offres (voir tableau ci-dessous) et de la relation client, la compréhension du customer journey devient chaque jour davantage un facteur clé de succès.
Si la capacité à convaincre en ligne et à proposer des parcours sans couture, garants de la loyauté de l’usager et d’un taux de transformation commercial optimal, devient déterminante, l’optimisation de customer journeys erratiques et omnicanaux est une gageure. Cette difficulté est partagée par de nombreux secteurs : selon une récente étude du spécialiste de l’expérience client (CX) Pointillist, moins d’un tiers des organisations estimaient faire vivre à leurs clients la bonne expérience au bon moment via leurs canaux préférés ! Principal obstacle pointé par les professionnels de la CX : le silotage fonctionnel des data qualitatives et quantitatives au sein des entreprises.
Bien que rendue difficile par cette partition des données existantes, l’optimisation des interactions avec le client offre des bénéfices indéniables tels que l’augmentation des marges et la fidélisation de l’assuré. Certains acteurs du conseil évaluent ainsi que la personnalisation des interactions avec les clients offrirait dans le secteur financier une croissance immédiate des revenus de l’ordre 0,3%, tandis que 40 % des utilisateurs finaux se déclarent plus enclins à rester chez leur fournisseur de services financiers s’il leur offre un service plus personnalisé.
De nombreux acteurs facilitateurs des démarches de CJM
Les fastidieuses tâches d’analyse des données caractéristiques du CJM sont de mieux en mieux prises en charge par des acteurs spécialisés dans l’analyse des parcours clients, tels que Woopra, Avaya, Thunderhead, MoEngage, Flockrush, Quadient… Chaque acteur fonde sa solution sur un bouquet de technologies permettant de prendre en charge un spectre plus ou moins large de données structurées ou non : machine learning, RPA, compréhension du langage naturel, analyse de données vidéos…
Le foisonnement des sources de données, des technologies développées pour l’analyse de celles-ci et la pluralité des profils d’acteurs rendent la niche d’usage CJM particulièrement opaque pour les assureurs désireux de se doter d’une approche customer centric. Cette structure de marché confère donc un rôle pivot aux intégrateurs, prestataires spécialistes des SI ou cabinets de conseil, aptes à décrypter et à mettre en relation les besoins uniques des leurs clients avec la solution logicielle la plus adaptée.
Le customer journey mapping a vocation à aider l’assureur à comprendre l’utilisation effective par ses clients et prospects de l’ensemble de ses canaux de communication et de souscription. L’objectif visé consiste en l’adaptation user centric de ceux-ci : le vocable « customer journey orchestration » recouvre les propositions de valeur prenant en charge cette ultime optimisation du CX.