Réforme Groupe TVA : ce qui change

Réforme du Groupe TVA : du groupement au Groupe TVA

Avant

Jusqu’à présent et au travers du dispositif de l’Article 261 B du Code général des impôts (CGI), les groupements étaient exonérés de TVA entre leurs membres, en particulier pour ceux exerçant une activité en dehors du champ d’application de cette taxe, telles que les opérations d’assurance ou bancaires. Cette transposition en droit français de la directive 2006/112/CE, a fait l’objet d’interprétation différentes par plusieurs membres de l’Union, entraînant un rappel à l’ordre de la Cour de Justice de l’Union européenne. Dans plusieurs décisions rendues depuis 2017, cette instance a considéré que le seul exercice d’une activité économique dans le domaine des services financiers n’était pas suffisant pour bénéficier de l’exonération de TVA. Il est donc question de réduire le champ d’application actuel du dispositif Art. 261 B.

La mise en place du régime de groupe TVA revêt un enjeu significatif pour les groupes financiers – banques et assurances – puisqu’ils pourront, par ce biais, continuer d’exonérer les services internes de la TVA. Ce nouveau modèle permet de rester compétitif : un surcoût financier de 20% sur certains services internes susceptibles de devenir éligibles à la TVA.

Demain

La loi rentre en vigueur le 1er janvier 2022, avec une mise en place effective au 1er janvier 2023.

Article 162 de la Loi de Finance pour 2021

Les dispositions de ce régime sont actives dans plus de la moitié des pays de l’UE, mais ses modalités d’application diffèrent selon les Etats.  Deux grands principes transparaissent : 

  • La neutralisation des transactions intragroupes ; 
  • Une souplesse dans son application, permettant de ne pas engendrer de surcoûts fiscaux, tout en facilitant les obligations déclaratives des membres. 

Quelles sont les modalités requises pour la mise en place du Groupe TVA ?

  1. Le périmètre d’application (les entités devant constituer le Groupe) peut être librement défini par l’entité tête de Groupe. Cette dernière est désignée par les membres du groupement devant être constitué ;
  2. Les membres devront être établis en France et respecter des conditions de liens sur le plan :
    • financier : détention directe ou indirecte de plus de la moitié du capital ou des droits de vote d’un autre membre ;
    • organisationnel : rattachement direct ou indirect à une direction commune ou exercice de leurs activités respectives en concertation totale ou partielle  ;
    • et économique : activités principales de même nature, interdépendantes entre elles avec poursuite d’un objectif commun ou réalisées, en tout ou partie, au bénéfice des autres membres ;
  3. L’adhésion au Groupe TVA est optionnelle pour une durée minimale de 3 ans. L’option pourra être souscrite à compter du 1er janvier 2022 et doit intervenir avant le 31 octobre de l’année précédant la formation du Groupe. Pour une application effective au 1er janvier 2023, l’option devra donc être formulée au plus tard le 31 octobre 2022 ;
  4. Les structures non établies en France ne pourront pas bénéficier du dispositif (contrairement à ce qui se fait pour le Groupement de Moyens)
  5. Les obligations déclaratives seront assumées par l’assujetti unique, même si les membres devront conserver dans leur comptabilité les différents justificatifs en cas de contrôle fiscal.

Réforme du Groupe TVA : quels enjeux et impacts pour les assureurs ?

1. Impact comptable et fiscal

Etude d’impact financier

Lors de la constitution du Groupe TVA, une étude d’impact devra être menée pour chiffrer le coût d’application de ce régime et identifier quels établissements établis en France pourront être intégrés au Groupe TVA.

Une des limites de cette option réside dans les effets financiers induits au niveau individuel de chaque membre. Le calcul du droit à déduction (ou prorata) diffère selon la nature de la charge :

  • Pour les dépenses propres à chacun des membres, on conserve le prorata individuel calculé à partir du chiffre d’affaires réalisé avec des tiers (hors flux intragroupe) ;
  • Pour celles portant sur des opérations communes (à répartir entre les membres avec des clés d’allocation), le prorata forfaitaire du Groupe sera appliqué.

Ainsi un membre dont le droit à déduction individuel, sur des dépenses qualifiées de communes, serait supérieur à celui du Groupe, verrait mécaniquement ses charges augmenter. En effet, dans ce cas, le montant de taxe déductible en appliquant le taux du Groupe serait moins important.

Des clarifications de l’administration fiscale sont attendues pour délimiter les champs d’application du prorata Groupe et du prorata individuel.

Question du traitement du crédit de TVA

Le crédit de TVA soulève également une question importante. En cas de crédits de TVA structurels dégagés par un ou plusieurs membres antérieurement à l’entrée en vigueur de l’option, ceux-ci ne pourront être récupérés par l’Assujetti unique. Il ne pourra pas en bénéficier ni le reporter sur sa déclaration.

Les entités concernées devront demander le remboursement de leurs crédits de TVA respectifs auprès du Trésor Public selon les modalités classiques, indépendamment de leur appartenance au Groupe TVA.

Taxe sur les salaires

Dans le cas où l’un des membres est assujetti à la taxe sur les salaires, des effets de bord sur le calcul du rapport d’assujettissement sont à anticiper puisque les opérations intragroupes placées hors champ d’application TVA seront réintégrées au total des recettes qui n’ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En pratique, on peut s’attendre à une évolution à la baisse pour les sociétés d’assurance concernées puisque le dénominateur augmente.

Traitement des GIE

Les dispositions actuelles tendent à montrer que les GIE ne peuvent prétendre au bénéfice du régime de Groupe TVA, du fait notamment de leur absence de lien capitalistique. En revanche, il apparaît que si les membres constituant ces GIE détiennent la majorité (plus de 50%) des droits de vote, et sont également tous liés par des liens tant financiers, organisationnels qu’économiques, le groupement pourra intégrer le Groupe TVA au même titre que ses membres. Cette option doit être étudiée avec attention au sein des divers Groupes d’assurance, recourant régulièrement à ces structures pour se répartir les charges.

Principe de solidarité des membres

Chaque membre demeure solidairement tenu au paiement de la TVA du Groupe, tout comme les intérêts de retard ou des redressements à hauteur de la somme à laquelle ils auraient été tenus en l’absence de Groupe TVA. Ce volet est à souligner et anticiper par le Groupe.

2. Paramétrage (comptabilisation, adaptation des outils de reporting)

À l’échelle de chacun des membres, le paramétrage des outils comptables devra évoluer de façon à distinguer les opérations intragroupes sans incidence TVA et les opérations avec les tiers pour lesquelles ils restent exposés au contrôle de l’administration fiscale, comme s’ils n’avaient pas opté pour le groupe TVA. 

La centralisation de l’obligation déclarative par l’assujetti unique suppose la création d’un nouvel accès en cas d’utilisation d’un outil de reporting pour accomplir les formalités de télédéclaration. 

3. Organisationnel (répartition des tâches / coordination)

L’organisation des équipes en process cible devra prévoir une mobilisation des ressources pour la prise en charge des obligations déclaratives de l’assujetti unique et la coordination avec les membres pour les remontées de reportings. 

Dresser la cartographie des flux intragroupes et des entités éligibles au Groupe TVA accompagnée par une harmonisation des process de traitement de la TVA par les membres du Groupe. 

Bien que l’obligation de déclaration incombe à l’assujetti unique, il sera nécessaire de maintenir une traçabilité des services intragroupes hors TVA au niveau de chaque membre à des fins de contrôle. 

En cas d’option pour ce régime, la neutralité des flux intragroupes devra être considérée dans le cadre de la généralisation de la facturation électronique i.e. facturation hors taxe des opérations internes éligibles.

A lire aussi : « Dématérialisation des factures : des impacts à anticiper chez les assureurs »

Conclusion

Il ne reste plus que quelques mois pour examiner l’opportunité de l’option Groupe TVA, qui doit être souscrite avant le 31 octobre 2022. Le temps d’analyser le bilan coût/avantage de l’option, notamment compte tenu des spécificités de l’activité d’assurance. L’administration fiscale se prononcera dans les mois à venir sur l’évaluation pour apporter une aide à la décision aux entreprises souhaitant opter pour ce nouveau régime.