La protection sociale complémentaire Santé et Prévoyance de la fonction publique était jusqu’à présent gérée au sein de contrats individuels. Ces contrats incluaient souvent les deux risques. La réforme adoptée ouvre la concurrence et remet en question le fonctionnement des acteurs en place. Pour ces acteurs historiques, essentiellement les mutuelles, les conséquences en termes de gestion, d’outils et de parcours clients seront nombreuses afin de gérer des contrats collectifs.
Tour d’horizon des impacts et des chantiers prioritaires à envisager en matière de distribution, de relation client, et d’outils de front et de back office.
Protection sociale complémentaire des fonctionnaires : les points clés de la réforme
Un volet complémentaire santé
L’ordonnance relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique a été publiée le 17 février 2021, en application de l’article 40 de la loi du 6 août 2019 dite de « transformation de la fonction publique ». Elle fixe les grands principes, communs aux trois versants de la fonction publique. Comme dans le privé, les employeurs publics seront tenus de financer au moins 50% de la complémentaire santé des agents de la fonction publique d’Etat, territoriale ou hospitalière.
Cette prise en charge obligatoire de 50% s’appliquera progressivement, à compter du 1er janvier 2024 à l’Etat, à mesure que les contrats collectifs arriveront à échéance, et au plus tard au 1er janvier 2026 à tous les employeurs publics des trois composantes de la fonction publique. La phase de transition vers le régime cible débute dès 2022.
Un volet prévoyance
L’ordonnance prévoit également une participation de l’employeur à des contrats de prévoyance qui couvrent les risques d’incapacité de travail, d’invalidité, d’inaptitude ou de décès. Pour les employeurs publics territoriaux, elle fixe une participation obligatoire de 20% à ces contrats à compter de 2025.
Vers des contrats collectifs à adhésion obligatoire
L’ordonnance prévoit enfin la possibilité de mettre en place des contrats collectifs à adhésion obligatoire, sur le modèle de la réforme adoptée en 2016 pour le secteur privé.
Une réforme structurante pour les acteurs de la complémentaire
Ces mesures auront de forts impacts pour les mutuelles et pourraient largement rebattre les cartes du secteur en favorisant des rapprochements, des adossements, voire en menaçant la survie de certains acteurs. Niveaux de solvabilité, capacité à conserver des marchés qui suscitent de nombreux appétits, les enjeux sont majeurs.
Des défis très opérationnels attendent aussi les mutuelles, en particulier, concernant les parcours clients, avec une modification profonde des processus en vigueur jusqu’à présent. Toutes les étapes du parcours sont concernées, de la distribution à la gestion, en passant par les outils de front office et de back office.
Protection sociale complémentaire des fonctionnaires : les impacts sur les réseaux de distribution
Le nouveau régime de la protection sociale de la fonction publique – d’Etat, territoriale ou hospitalière – se caractérise par une ouverture de la concurrence.
Jusqu’à présent, les mutuelles référencées par une collectivité ne disposaient pas nécessairement d’un réseau de distribution conséquent. Elles s’appuyaient sur la force de la recommandation. Dans le nouveau régime, en fonction des règles qui seront déterminées, la distribution des contrats collectifs et individuels pourrait poser des difficultés majeures aux petites structures.
L’ouverture du marché à la concurrence modifie en profondeur le processus d’acquisition des adhérents, avec un recours généralisé aux appels d’offre. C’est l’un des axes importants à anticiper pour faire face à cette réforme. Cela passe par le renforcement de la capacité à répondre aux appels d’offres, à structurer les dispositifs et l’accompagnement proposé par les réseaux aux collectivités.
Protection sociale complémentaire des fonctionnaires : les impacts sur la relation clients
La réforme peut avoir des effets massifs sur les portefeuilles clients des acteurs présents sur ce marché. Le gain d’un important appel d’offre est susceptible d’entraîner une augmentation importante du nombre d’adhérents. Et entraîne le risque de dégrader l’expérience client si l’organisme complémentaire n’a pas mis en place un dispositif performant pour accueillir ces nouveaux adhérents.
Ce phénomène a deux impacts : la mutuelle concernée doit être en mesure d’accueillir ce flux supplémentaire dans de bonnes conditions. Les centres de gestion devront pouvoir absorber la volumétrie des demandes et des flux entrants.
En amont, deuxième impact, l’offre elle-même doit s’ajuster. La qualité de la relation client devient un élément clé de différenciation. Comment gagner un appel d’offre auprès d’une municipalité importante sans offrir par exemple un portail adhérent ? ou un parcours client digitalisé pour la souscription ou la gestion d’un sinistre ?
Cette adaptation passe par la cartographie des processus de gestion et l’identification des points de friction à la fois pour les collaborateurs et pour les adhérents afin d’identifier les actions prioritaires à mener. Au cœur de cette réflexion : préserver l’accompagnement humain aux points clés de la relation client.
Protection sociale complémentaire des fonctionnaires : les impacts sur les outils et la digitalisation du parcours adhérent
La digitalisation joue un rôle central dans la révision du parcours clients. Elle offre une opportunité de renforcer la relation client en libérant les équipes de gestion de tâches à faible valeur ajoutée pour se concentrer sur les contacts avec les clients. Elle constitue aussi un passage obligé, voire facteur d’attractivité qui peut faire la différence dans les appels d’offre qui seront ouverts demain par les employeurs publics.
Côté front office, la mise en place du collectif nécessite la mise à jour des outils tels que le CRM. L’extranet assuré devra également évoluer afin d’intégrer les liens entre le contrat collectif et l’assuré. La création d’un extranet entreprise- collectivités complet, permettra ainsi aux administrations de suivre leur contrat, de réaliser les affiliations et les radiations, ou encore de déclarer certains sinistres.
Côté gestion, il faudra envisager de développer de nouvelles fonctionnalités ou d’adapter les fonctionnalités existantes, comme l’affiliation, la gestion des cotisations, le rattachement d’un individu à une collectivité. Les outils mis en place doivent être suffisamment souples pour pouvoir prendre en compte les spécificités des agents de la fonction publique.
Les réformes actuelles de la protection sociale complémentaire sont une opportunité pour enrichir et optimiser les parcours clients. Plus que jamais la différenciation passera par une relation client personnalisée, sans couture, prenant en compte au plus près les attentes des adhérents.