L’ACPR a publié le 21 novembre la recommandation 2024-R-03 sur le « recueil des informations relatives au client pour l’exercice du devoir de conseil et la fourniture d’un service de recommandation personnalisée en assurance ». Elle s’adresse à l’ensemble des distributeurs de produits d’assurance et concerne tous les produits d’assurance individuelle et collective, à l’exception des grands risques, des contrats collectifs à adhésion obligatoire et des contrats souscrits par les employeurs à destination des salariés.
Cette nouvelle recommandation entre en vigueur le 31 décembre 2025. Elle remplace la recommandation 2013-R-01 du 8 janvier 2013 modifiée le 21 février 2020, et complète la recommandation 2024-R-01 visant à mettre en œuvre certaines dispositions issues de la Directive européenne n° 2016/97 sur la distribution d’assurance (« DDA »).
L’ACPR entend ainsi, en parallèle de l’entrée en vigueur de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, intégrer les obligations relatives à la préférence des clients en matière de durabilité. Elle tire aussi les enseignements des contrôles menés par ses services.
Devoir de conseil : l’ACPR met l’accent sur la pédagogie
Une nécessaire contextualisation des informations recueillies dans le cadre du devoir de conseil
L’ACPR apporte une nouvelle dimension au devoir de conseil en recommandant aux assureurs de réaliser une pédagogie autour des informations recueillies. Il sera désormais nécessaire d’expliquer au client que les informations demandées le sont dans « l’objectif de lui fournir un conseil en adéquation avec ses besoins et que la transmission d’une information exhaustive et honnête est essentielle pour garantir un conseil pertinent ».
Ajouter une page explicative dans le parcours de vente peut constituer une solution pour répondre à cette obligation de contextualisation du recueil des informations du client.
Une évaluation du marché cible préalable à tout devoir de conseil
Marché cible et devoir de conseil représentent les deux faces d’une même médaille : une démarche assureur-distributeur axée sur l’intérêt du client. La frontière entre les deux n’est pas toujours claire. L’ACPR apporte une nouvelle précision en ajustant le positionnement du marché cible en amont de la délivrance de tout conseil.
En pratique cela revient à vérifier, en amont du conseil, si la situation et les données du client correspondent bien au produit envisagé. Cette nouvelle précision pose plusieurs problématiques opérationnelles : où et comment positionner la vérification du marché cible dans le parcours de souscription et/ou parcours de conseil ? Est-il nécessaire uniquement de vérifier, en amont du conseil, le marché cible négatif ou l’ensemble des critères du marché cible ?
De nouveaux critères à prendre en compte dans la définition du profil investisseur
La définition du profil investisseur se fonde aujourd’hui sur les connaissances du client en matière financière et son appétence au risque. Dans ce nouveau texte, le régulateur suggère la prise en compte d’autres critères, par exemple la présence ou non d’une épargne de précaution. En pratique, à titre d’exemple, pour affiner les données du patrimoine financier du client, des questions peuvent être ajoutées dans le parcours conseil :
- Disposez-vous d’une épargne de précaution ?
- Si oui, combien ? Moins de 10 000 €, entre 10 000 € et 50 000 €, plus de 50 000 € ?
Dans ce cas, les allocations les plus offensives seraient écartées pour les clients ayant moins de 10 000 € d’épargne de précaution.
Devoir de conseil : l’ACPR prône une nouvelle approche « patrimoniale »
Une obligation d’expliquer les conséquences fiscales et patrimoniale d’un acte de gestion
Les produits assurantiels, et particulièrement les assurances-vie et les PER, bénéficient, sous conditions, d’avantages fiscaux. Ces avantages représentent souvent l’un des critères les plus importants de sélection d’un produit. L’ACPR souligne l’importance de prendre en compte ces aspects fiscaux dans la délivrance du conseil. Elle prend l’exemple des rachats intervenant dans les huit premières années d’un contrat d’assurance-vie, qui font perdre le privilège d’exonération des plus-values. Il faut également souligner le cas des transferts des anciens produits de retraite, bénéficiant des avantages fiscaux de l’article 154 bis du Code Général des Impôts, dits « Madelin » vers les nouveaux PER, qui peut faire perdre des garanties de tables de mortalité plus avantageuses.
Une alerte sur la rédaction de la clause bénéficiaire
Un autre aspect patrimonial des bonnes pratiques recommandées par le régulateur concerne la clause bénéficiaire en assurance-vie. L’ACPR rappelle aux assureurs qu’il est nécessaire de signifier au client l’importance de la rédaction de la clause bénéficiaire. Cela peut passer par la mise à disposition des distributeurs d’outils d’aide à la vente explicatifs. Un service d’aide à la rédaction pourra également être proposé au client.
Côté parcours de souscription ou de gestion, des messages d’alerte concernant cette clause pourront être ajoutés.
Devoir de conseil : l’ACPR insiste sur la traçabilité et le pilotage du conseil
Le régulateur rappelle l’importance de la traçabilité et du contrôle du conseil
Mettre en place des indicateurs de suivi des profils de risque peut constituer une solution pour s’assurer du respect du devoir de conseil. En plus de permettre le suivi des profils de risque client, cette traçabilité atteste des travaux de mise en conformité de l’assureur et de son respect des recommandations ACPR.
Dans ce cadre, la mise en place d’une gouvernance de la donnée claire permet une meilleure efficacité de la traçabilité et du contrôle ainsi qu’une responsabilisation des équipes.
Grâce au suivi des données, l’assureur pourra obtenir des indicateurs de performance permettant de suivre l’adéquation des données clients avec leurs profils de risque.
Deux niveaux de contrôles à suivre : l’adéquation du profil de risque avec les données client et la cohérence entre les réponses du client
Pour reprendre l’exemple relatif à l’épargne de précaution précédemment cité, définir un premier niveau de contrôle avec un indicateur suivant le nombre de clients qui ont une épargne de précaution de moins de 10 000 € et un profil offensif permettrait d’identifier rapidement une surévaluation du profil de risque.
Second niveau de contrôle, la mise en place un indicateur de concordance entre le montant saisi dans le champ « patrimoine financier » du client et la réponse à la question relative à l’épargne de précaution permettrait de s’assurer de la cohérence des informations.
Intégrer les évolutions impulsées par la Loi industrie verte
La loi industrie verte introduit de nouvelles dispositions structurantes en matière de devoir de conseil : conseil dans la durée en assurance vie ou encore nouvelles stratégies d’investissement faisant une palus large part à des fonds non cotés.
Pour le régulateur, les unités de comptes portant sur des actifs non cotés appellent à une vigilance plus importante. L’ACPR insiste ainsi sur l’exigence d’attirer l’attention du client sur les risques liés à cette catégorie d’actifs impulsée par la Loi industrie verte. L’intégration de ces préconisations dans les chantiers opérationnels en cours sur la Loi industrie verte permettra de centraliser de façon agile l’ensemble des sujets réglementaires, à l’instar des pénalités de rachat, des évolutions liées au devoir de conseil, des préférences en matière de durabilité.